21 mars 2006

MON SOUVENIR D'AÏN-EL-ARBA (2)


Une grande table ovale dans la cuisine soutenait mes méditations. A sept ans passés, un porte plume à la main, je traçais avec rapidité les lettres violettes de ma première punition.

Ce travail terminé, je restais rêveur, à observer les détails géométriques de la toile cirée neuve, les tartines de Gervais sucrées posées devant un grand bol de café au lait.

Sur ma gauche derrière une double porte vitrée, la salle à manger aux meubles d’acajou cirés rehaussés d’un décor en métal argenté, se reposait la semaine des repas bruyants du dimanche.

Dans cette même pièce, derrière les deux grandes portes coulissantes d’un placard mural que l’on pouvait, avec beaucoup de précautions, faire glisser sans bruit aux heures chaudes de la sieste, se trouvaient nos tirelires champignons rouges, dans lesquelles nous prélevions clandestinement, mon frère et moi, quelques larges pièces de vingt francs.

J’en étais rétrospectivement à cette image, lorsque l’une de mes tantes, Antoinette, la plus jeune sœur de Maman montra son visage à la porte toujours ouverte qui donnait de la cuisine dans la cour.

- Tu ne joues pas avec les autres ?
- Non, je termine mon travail !
- Ay ce gosse !

Elle avait traversé la pièce comme une musique, et je me souviens d’avoir eu soudain ce sentiment très fort de fin de quelque chose, peut être la radio jouait-elle dans la pièce d’à côté.

Dehors Il faisait très chaud bien qu’il soit déjà plus de 18h00. Le soleil rasant entrait par la fenêtre au dessus de l’évier.

J’avançais jusqu’à la porte dont l’entrée était protégée par une marquise en tôle ondulée, et regardais comme une dernière fois la volière dite aux 21 canaris, dont même le grillage avait été peint en jaune.

J’ignorais que dans quelques mois nous allions procéder au lâcher symbolique de ces oiseaux, pour les libérer avant notre départ matinal pour Oran.

1 commentaire:

Maryl. Demoerloose a dit…

ces minutes qui précèdent un départ tu as su me les infliger,
l'émotion et le regard sur les lieux a déserter , le dernier message aux objets les bruits inabituels ,les clefs le départ puis l'absence.. il ne faut pas se venger de la vie ainsi sur ceux qui vous aiment.