09 juin 2006

MON SOUVENIR D'AÏN-ELARBA (9)

Pour économiser les places de couchage, les enfants avaient été disposés tête bêche dans de grands lits. Nous étions mon frère Damien et moi dans le même lit que mes cousins Noël et Michel, deux couchés côte à côte à la tête du lit les deux autres les têtes au pied du lit.

Emporté dans mes rêves de bord de mer j’avais petit à petit empiété sur l’espace de mon voisin opposé et je sentais dans mon demi sommeil des coups de pied répétés qui perturbaient mon réveil harmonieux par Lucia Pegotty et le curé au cerf volant.

Heureusement mon frère Damien, rétablit la situation pour éviter qu’elle ne dégénère en un pugilat dans lequel je n’aurais pas eu forcément le dessus.

De grands bols de café noir commençait à circuler et finalement, la famille se retrouvait courbatue et hébétée par cette nuit inconfortable, autour d’un petit déjeuner bienvenu avant le départ définitif vers la France.

Dans le soleil cette fois, nous rejoignions la file des voyageurs qui s’était formée pour rejoindre le Ville de Marseille.

Par rapport à la veille dont je gardais un souvenir gris et terne, la journée s’annonçait sous un ciel particulièrement lumineux qui donnait aux choses et aux gens un relief particulier chaleureux mais agressifs.

Les personnes dans la file me semblaient immenses et inaccessibles, leur voix ressemblaient à des hurlements et un tumulte de jeeps passant en hurlant rajoutait à la confusion.

Comme la veille après midi nous avions reformé un groupe autour de mon père, rejoint par la femme seule et ses deux enfants, que nous avions pour ainsi dire adoptée.

Nous étions perdus dans cette foule mais je me sentais bine entourée de ma famille, comme protégé des autres dont le présence au fur et à mesure que nous avancions vers le quai et les bateaux était de plus en plus difficile à supporter.

Dans notre groupe, chacun avait une responsabilité, mon frère Damien transportait dans une valise la ménagère en argent que mes parents avaient reçu en cadeau de mariage, une lourde charge dans les deux sens du terme.

Je me souviens qu’il assumait cette charge avec dignité, comme détaché de la réalité, les yeux scrutant la foule, tétanisé lui aussi de tant de bruit et de fureur.