28 février 2006

MELCHIOR L'ANCIEN

Prêt de 57 années après la photo de Melchior le magnifique, nous avons une photo de Melchior l'ancien à l'âge de 72 ans. On le distingue dans le flou de cette salle de restaurant de l'Ardèche profonde, à l'occasion du mariage d'une de ses arrières petites nièces. Sa posture bien connue de fumeurs de "puros", avec le bras dont la main tient le cigare, légèrement replié, et l'air inspiré de celui qui avale la vie comme l'on avale la fumée des havanes. 3 ans avant la chanson de Gainsbourg, Dieu est un fumeur de havanes, Melchior notre Dieu avait déjà fumé un nombre non communiqué de ces cilindres cubains au parfum entêtant.

LUCIA ET LES BD

A l'été 1960 ou 1961, nous étions tous à la colonie du curé, la cité ardente. La colo avit un hymne qui disait :
c'est notre cité ardente
qui voit fier et marche droit,
la peur en est absente, car en son chef est la foi...
Tous, c'est à dire mon frère Damien, mon cousin Roger, Christian, et Sébastien.
Ma tante Lucia, en était la cuisinière.
Cette couverure de BD, était l'une des livres que nous avions emmenés... qu'elle avait officiellement amené, car en fait les BD étaient interdites par le Curé.
Lucia était notre couverture, elle qui ne savait ni lire ni écrire , prétendait, en racontant les histoires de nos BD, le soir à la veillée, qu'elle adorait ces histoires qui la détendait après une dure journée à cuisiner, ranger et astiquer les dortoirs.
On ne sait qui était dupe de nous ou du Curé Jimenez, qui gobait ces histoires de Lucia fan de BD !

LILIANE ET LES DEUX SOEURS

A l'image de Béatriz et Rosa, les deux soeurs mythiques dont les maris s'étaient embarqués, l'un en 1909 pour l'Algérie, l'autre en 1922 pour Rio de la Plata en Argentine, Denise et Antoinette, leurs petites nièces, ont vécu à leur façon une saga aussi héroïque.
Confrontés à l'arrivée dans des pays neufs, elles ont su construire un univers fabuleux à partir de rine, recommencer lorsqu'elles ont remmené de l'Algérie vers la France, familles et enfants, en leur donnant à nouveau l'énergie des ancètres, la rage des pionniers pour retrouver l'univers mythique qui les a toujours guidé vers l'espoir. On les voit ici en compagnie de Liliane une autre héroïne de saga.

LOS PUROS

Nous avions longtemps hésiter avant de comprendre que los "Puros" signifiait en fait los puros de la Habana, des cigares Havane "purs", des vrais de vrai venus de la Havane, pays mythique, dans lequel notre arrière Grand Père était parti faire la guerre contre les Américains en 1905. Tcha Tché, Melchior le magnifique, avait repris cette tradition qui nous hante encore, de fumer à longueur de journée, d'énormes cigares qui exhalaient une fumée blanche épaisse et une odeur entêtante au dessus des tables de billard. Car avec los"Puros", il y avait le bar du village, les dimanches après la messe, où, enfants nous accompagnions nos parents pour les regarder jouer, boire, rire et parler de choses qui nous dépassaient mais dont nous savions qu'un jour nous allions aussi en parler autour d'un billard avec un "puro" et un verre d'anisette.
Hélas, le village est ailleurs, nous sommes ici après avoir été la-bas, les "puros" n'ont plus tout à fait le même goût, l'anisette est moins bonne, et les boules de billard ne sonnent plus de la même façon.
Allez encore un "puro", une anisette et un rétro pour commencer une série de points qui vous laissera tous comme des bacoras.

27 février 2006

LES PARENTS DE DENISE (2)


Quel futur imaginaient ils alors, pour eux, leur famille et leur descendance, en filant vers le port et le bateau qui devait les conduire a Oran ?

A Vera, Damiana s’était elle précipitée chez ses parents, au 15 de la Calle de la Inclusa , pour y retrouver Rosa et Beatriz ses sœurs, et le réconfort dont elle avait besoin dans son état ?

Nous avons jusqu'à présent peu parlé de la famille de Damiana.
Son père Jose Deharo Leon était métallurgiste de son état, il avait donc profité de la prospérité des mines pour s’établir dans les industries de transformation périphériques de l’activité minière.

Comment avait il perçu le mariage de Damiana avec Juan Manuel et comment réagit il à la décision prise par ce dernier d’émigrer et à terme d’entraîner sa femme et son fils dans cette aventure ?

Lui servait il sans cesse l’exemple de Beatriz, de cinq ans son aînée, qui avait épousé sept années plus tôt, Bartolome Nunez Segura, un compagnon maçon de Vera, dont nous allons maintenant conter l’histoire.

LE SOUVENIR DES VIVANTS (3)

jamais la survenance et dont j’ignore s’il repose sur une réalité vécue, ou n’est que le résultat construit de l’agrégation de souvenirs relatés par d’autres.
Cette relation avec un personnage disparu avait commencé de me hanter un peu plus tard dans l’âge, lorsque je pris conscience de l’existence de la mort, au travers des manifestations les plus tangibles que les vivants eux mêmes célébraient comme pour s’assurer de la réalité de son existence au sein de la vie elle même.
Parmi ces manifestations, les nombreuses visites au cimetière que rendait nécessaires une vie religieuse intense dans un bourg marqué par des contrastes ethniques forts, avaient constitué l’un des éléments déterminant de ma perception des disparus.
En dehors des inhumations, la communauté catholique du village, à laquelle nous appartenions, organisait régulièrement des processions vers le cimetière, auxquelles assistaient, souvent malgré eux, l’ensemble des habitants.
Dans ces moments, les différents groupes ethniques ou culturels donnaient à leurs relations habituellement caractérisées par une indifférence polie, un tour plus violent, chacun s’ingéniant à marquer sa différence avec celui ou celle qui manifestait son appartenance religieuse.
La communauté espagnole se divisait alors entre catholiques et laïques, les européens fuyaient leurs juifs, les musulmans leurs intégristes, les Français de Métropole les Français qui avaient récemment acquis cette nationalité.
Même si certains n’y voyaient que le jeu légitime des opinions et des oppositions, ces relations complexes allaient s’envenimer jusqu’à la violence lors des conflits qui marquèrent l’accession de l’Algérie à l’indépendance.Ce lieu particulier, le cimetière, à quelques centaines de mètres du village, nous disions toujours le village, était devenu un espace de notre vie d’enfant avec ses caractéristiques propres. Nous en connaissions les coins et les recoins, et aussi les histoires.

26 février 2006

LES PARENTS DE DENISE



Ainsi, Juan Manuel, après avoir épousé Damiana, la fille de José De Haro Léon (1850-1908) et de Antonia Garcia Molina, (1850-1901), après lui avoir fait un premier enfant, qui portera le nom de son père Pedro, est contraint de Quitter Vera, sans contrat de travail précis, pour finalement se retrouver salarié agricole sur l’exploitation de M Vives en Algérie, à Aïn-El-Arba.
Nous ne pouvons, hélas, qu’imaginer le départ de Juan Manuel.

Cela se passait un matin, de l’année 1909, sans que nous puissions donner plus de précision.

On voit la jeune épouse de 28 ans, Damiana, son ventre déjà rond, accompagner Juan Manuel sur le perron de la maison de la Calle Hileros.

Ils s’enlacent tendrement, elle pleure, il cherche a la rassurer, le regard déjà lointain, guettant son frère Francisco, car ils doivent sans délai partir pour Almeria ou les attends le bateau pour Oran[i]

Comment ont ils voyagé pour faire les 93 kilomètres qui séparent Vera d’Almeria,
Ont ils pris le train a Zurgena, ou emprunté en Bus, la magnifique route de corniche, qui permet, tout le long du chemin, de scruter le long de la montagne, riche en minerais de toute sorte, les petites maisons de mineurs, les hauts fourneaux et les tunnels de glaise qui serpentent indéfiniment vers la mer.

Constataient ils avec regret que la plupart des hauts fourneaux étaient éteints, ou avaient ils le cœur brisé et meurtri, en voyant fumer les cheminées de leurs anciens voisins et collègues de mine, dans ces endroits qui hier encore leur garantissaient des conditions de vie décentes.

Le présent sous leurs yeux, devenait leur passé au fur et a mesure qu’ils progressaient vers Almeria.

LE SOUVENIR DES VIVANTS (2)

Ces yeux sombres qui exprimaient une conviction réaliste sur les choses et les gens, lui avait conféré dans le village, un bourg de quelques centaines de chrétiens noyés parmi un bon millier de musulmans, en plein coeur de l’Oranie, le statut d’une sorte de sainte, intouchable, capable de comprendre et d’aider à supporter, à défaut de pouvoir les soulager, les maux de ses frères humains de toute confession.
Hors des institutions, hormis celle de sa propre foi dont elle entendait gérer elle même les nécessités, elle avait acquis le statut d’un ultime recours dont la sagesse, l’abnégation et le courage réduisaient à néant toutes les lâchetés et tous les renoncements.
J’ avais donc pendant un très petit nombre d’années, reçue, insufflée par une seule présence, l’éducation muette de cette grand mère maternelle fantasque.
De violentes douleurs abdominales dans la nuit et le réconfort d’une main anguleuse sur le front accompagné d’un biberon sucré ou aromatisé d’eau de fleur d’oranger tel est le souvenir le plus cruel et le plus poignant que je garde de cette femme.
Cruel, parce que fugitif encore aujourd’hui et poignant parce que la réalité de ce souvenir m’ échappe même dans les moments où mon esprit fouille les souvenirs les plus reculés et les plus lointains de ma mémoire.
Un tête à tête muet sur la table carrée du bureau dans lequel elle se réfugiait pour prendre un repas toujours frugal, me rapporte le fumet d’une soupe blanche aux amandes, la couleur d’un tapis marocain vert et rouge, et le goût acidulé d’une boisson d’eau additionnée de vin rouge.
Je revois mon regard interrogateur devant ce front large et bronzé, cerclé de cheveux gris filasse, parsemé de taches de vieillesse, s’inquiétant de ce que je pourrais dire, s’inquiétant de ce qu’il devait me dire, s’interrogeant sur ma capacité à, un jour peut être, relayer son action dans le futur...Cette scène sans paroles, sans autres personnages, dans la maison , vide de mes parents et de mes frères, me hante comme un rêve dont je ne maîtrise (à suivre)

23 février 2006

NO COMMENTS

Depuis plus de 50 ans la Tia Maria me regarde hésitant à écrire le commentaire que j'appelle de mes voeux.
Les yeux tendus vers le photographe, le stylo prêt à tracer les lettres sur la page blanche, mais rien ne vient...

22 février 2006

LE SOUVENIR DES VIVANTS

J ‘avais atteint, plus tôt que d’autres, l’âge où l’on fréquente régulièrement les hôpitaux et les cimetières. Dernier né d’une famille de quatre enfants, j’avais été le résultat de l’ ultime effort de procréation de parents, bien installés dans la quarantaine, mais désireux de tenter une dernière fois la conception de la fille qui manquait à leur bonheur. Cette dernière tentative échouerait comme les quatre premières, et je me trouvais donc dernier garçon d’une famille en comptant déjà trois. Mes contacts avec la maladie et la mort avaient débuté très tôt durant la petite enfance. Spectateur innocent de ces tragédies familiales, je m’interrogeais souvent sur la force qui poussait les adultes à étaler sans retenue leur chagrin ou au contraire à faire preuve d’une sorte de détachement digne qui suscitait autant d’admiration que parfois d’interrogations suspicieuses. La première disparition que je vécus, j’avais alors deux ans, fut celle de la présence quasi spirituelle de ma grand mère Damiana. Cette vieille dame dont mes seules images sont deux photos, l’une où elle est surprise dans la basse cour, l’air absent, une badine de bois sauvage à la main, l’autre, où elle assiste le coeur déchiré à l’expression de ma contestation face au photographe cruel qui avait cru pouvoir me faire prendre la housse en cuir pour l’appareil photo lui même, et obtenir ainsi à bon compte ma collaboration à l’immortalisation de l’ instant. De ces deux portraits seule demeure l’intensité d’un regard profond et noir chargé d’une infini tristesse qui dit les souffrances encourues et le grand désarroi devant la permanence des épreuves de la vie. Ce regard extrêmement lucide, se démarquait de l’impression que dégageait le personnage. La posture, semblait flotter, hésitant, entre une volonté de retrait et d’engagement.

20 février 2006

BABETTE MARRAINE DENISE ET LUCIA

Lorsque j’ interrogeai ma mère sur les conditions dans lesquelles ses parents avaient décidé de quitter l’Espagne pour l’Algérie, elle s’est montrée très diserte, et je regrettais, en l’écoutant, ne pas lui avoir posé plus tôt toutes ces questions.

Par la suite, en confrontant son récit, à la lecture d’un acte notarié de 1890, et de titres de propriété de 1886, je pense être parvenu à mieux comprendre ce qui a poussé, en 1909, mon grand père Juan Manuel De Haro Cervantes, alors âgé de 32 ans, et son frère Francisco à quitter la petite ville de Vera en Andalousie pour Ain-El-Arba en Algérie.

C’est Juan Manuel qui le premier de la famille s’est installé dans ce village où sont nés 2 générations de notre famille, entre 1909 et 1962, date à laquelle nous l’avons quitté pour la France.

MELCHIOR LE MAGNIFIQUE

Du 27-12-1896 au 18-07-1990, 94 années durant, Melchior Haro Garcia surnommé Tcha Tche aura vécu différentes vies : une enfance consacrée très tot au travail, avec une charge de famille, un accident sur une batteuse, la perte de sa fiancée Madalena, le départ vers l'Algérie, et la construction d'une image d'homme bourru, aux "leche" légendaires, d'empereur coupe sucettes, dont la quantité d'anisettes bues et de "puros" fumés ne sera jamais révélée. Plus qu'un modèle, une icone familiale que nous sommes nombreux à vénérer.
On le voit ici à Oran chez le photographe familial du Boulevard Seguin.

LES VIGNES D'AÏN EL ARBA

Après la rigueur de la Sierra Almagrera, la chaleur des terrains des vignes de l'Oranie.
Hay Mama cuando se va aparar todo esto ?
Hijo ! No dejes el diablo comer te !
Mama, tanto sol y poco dinero ! Es imposible !....