25 juillet 2006

MON SOUVENIR D'AÏN-EL-ARBA (13)

Alors que le train progressait de Marseille vers Lyon, nous traversions de vastes régions vertes et inondées, des rizières avait je appris plus tard.

J’ignorais alors qu’il y en eut en France, et je m’interrogeais sur le travail de ces gens les pieds dans l’eau courbés sur la terre, repiquant des plants de riz.

De loin, je les voyais couverts de vastes chapeaux gris, au milieu d’herbes vert menthe.
L’ensemble se découpait sur un ciel très bleu formant un contraste hallucinant avec le vert du sol.

Aux alentours de midi, nous parvenions à la gare de Lyon Perrache où nous devions changer de train pour prendre le Lyon Nantes vers Bourges.
Notre première véritable étape française, me déçut. C’était la première fois depuis le début de notre voyage que nous allions descendre dans une gare, nous déplacer sans aide aucune, demander notre chemin, trouver notre train, trouver un endroit pour nous restaurer.

Je savais, comme à son habitude, que mon père avait dans la poche revolver de son pantalon, son immense portefeuille marron, un portefeuille marocain à ce qu’il disait.

Dans ce portefeuille, mon père avait placé une quantité de billets, suffisante pour couvrir les frais du voyage, mais aussi pour nous permettre de vivre quelques temps à Bourges avant qu’il ne trouve du travail.

Cette certitude dans la planification d’un voyage rempli, par nature, d’aléas, m’avait étonné lorsque j’avais assisté au partage de cet argent entre mon père et ma mère devant le bureau.

C’est lors de cette discussion à laquelle j’avais assisté qu’il avait été convenu d’un certain nombre d’achats, les cigarettes mentholées dont j’ai déjà parlé, mais aussi de préparatifs avant le départ.

Le plus marquant de ces préparatifs, ma mère m’a confirmé par la suite lorsque je l’interrogeais, que cela s’était bien produit, avait été pour moi l’histoire des fusils dans le jardin.

24 juillet 2006

MON SOUVENIR D'AÏN-EL-ARBA (12)

Le froid du matin, accentué par les vents, nous avait obligé à revêtir des vêtements plus chauds. Les voyageurs sur le pont s’étaient regroupés, comme pour mieux se protéger du froid, mais aussi, pensais je alors, pour rétablir l’équilibre du bateau qui penchait maintenant réellement d’un côté.

Les côtes de France se dessinaient dans le lointain nous faisant oublier la fureur et le froid du vent.

Enfin, nous allions être à pied d’œuvre dans le pays mythique dont nous espérions secrètement quelque chose de plus beau.

La quiétude que nous avions retrouvée au cours ces deux jours de traversée, après le bruit et la fureur de l’embarquement à Oran, s’éloignait de nous à mesure que les lignes bleues floues de la côte française se dessinait avec plus de précision.

Une foule immense nous attendait, jouant à l’envers le scénario du départ.
Dans le matin gris, j’observais une intense activité sur la port de Marseille.
Des bruits venaient jusqu’à nous de façon irrégulière, puis se faisant plus précis firent place à une clameur intense.
Elle s’élevait du quai sur lequel de minuscules silhouettes s’agitaient de façon désordonnée.

Étions nous soudain les héros tant attendus, où comme le racontait régulièrement mon père depuis lors, étions nous en but à des populations venues manifester leur désapprobation.

La légende, devenue familiale, encouragée par la geste paternelle, prétend que le Maire de Marseille, Gaston Deferre lui même, avait suggéré le slogan d’accueil :

- jetez les tous à la mer !

Mon père répétait ce slogan à l’envie, comme le symbole de notre désillusion devant l’accueil qui nous fut fait à Marseille ce 12 juin 1962.

Soutien de François Mitterrand en 1981, Gaston Deferre devenu le Ministre de l’intérieur et de la décentralisation du 1er gouvernement de gauche s’attirait toujours les quolibets paternels lorsqu’il paraissait à la télévision :

- jetez les tous à la mer !

répétait mon père moqueur, avec une sorte de sympathie ironique pour l’homme qui avait voulu le refouler.

Passé le quai, j’ai beaucoup moins de souvenirs du débarquement, nous fûmes, malgré tout, accueilli très gentiment par des bénévoles du Secours Catholique, des femmes essentiellement, qui avaient dressé dans un hall en tout point semblable à celui que nous avions laissé à Oran, des lits dans lesquels nous devions également dormir tête bêche.
Une quatrième nuit d’exode nous emporta.
Dans le demi sommeil du matin, je compris que mon père et mon oncle partaient en reconnaissance vers la gare pour identifier le quai et le train qui nous conduirait à Bourges.

Il était aux environs de 6 heures lorsque nous avons regagné un immense convoi vert sombre dans un wagon duquel nous avons trouvé le compartiment de 8 places qui nous accueillerait pour la dernière étape de notre voyage.

Nous étions désormais seuls, loin de la cohorte de nos compagnons de bateau, des immigrés ou des rapatriés que l’on n’appelait pas encore les « pieds noirs ».

L’attribution des places dans le compartiment n’avait rien laissé au hasard, mon père et mon oncle s’étant arrogées les places près de la fenêtre et des cendriers.

Je garde le souvenir précis de nos positions dans ce compartiment :

Joseph Noel Michel Marinette

José Denis Damien M Cabedo

Les deux hommes s’évertuaient à « tuer » la cartouche de cigarettes mentholées qu’ils avaient emporté pour le voyage :

- Tenemos que matarlas !

Disaient ils fréquemment.

En effet, dans l’Algérie de l’exode, les approvisionnements se faisaient difficilement et le bureau de tabac du village n’offrait plus au moment de notre départ que ces cigarettes mentholées boudées par les fumeurs.

Je me souviens parfaitement de ce détail, car j’avais été chargé d’acheter ces cigarettes, dont j’ai oublié la marque, mais dont je me rappelle parfaitement le prix de 1.02 F le paquet. Nous disions encore 102 francs.

J’allais souvent faire les courses au village avec ma mère, ou quelquefois seul.
Les commerçants du village me connaissaient bien et m’acceptaient parfois dans leurs conversations.

Ce jour là, le village était écrasé par un soleil blanc, et je m’étais arrêté ma cartouche sous le bras près d’un groupe composé de Mangana le boulanger, Victor le cafetier, Khadour le garde champêtre et quelques autres figures dont j’ai oublié les noms.

Ils m’avaient admis dans leur conversation, considérant sans doute qu’un garçon avec une cartouche de cigarettes mentholées sous le bras avait quelque part la confiance de ses parents.

Cette impression d’être avec les grands considéré comme un grand fut renforcée lorsque l’un d’entre eux me demanda :

- et vous autres, quand est ce que vous partez ?

Fier de cette question, je répondais en donnant de nombreux détails sur la stratégie familiale.
J’expliquais ma tante d’Aïn-Temouchent à Bourges, son mari décédé, les enfants à l’orphelinat de la Police, le départ avec mon oncle Joseph de Saint Denis du Sig, Tata Lucia Christian son fils et mon frère Bastien déjà sur place à Bourges.
Ils hochaient la tête m’écoutant développer mes arguments commentant mes réponses par des approbations respectueuses, s’étonnant parfois de ce choix d’une ville dont ils n’avaient jamais entendu parler.

Eux, rêvaient de Marseille, Toulouse ou d’autres villes plus méditerranéennes.

En regardant mon père et mon oncle allumer une cigarette au mégot encore brûlant de la précédente, je me rappelais ces discussions qu’avaient autorisées la cartouche de cigarettes mentholées à 1.02 F le paquet.

Tout en fumant et en déplorant le goût atrocement mentholées de leurs cigarettes, ils s’interrogeaient sur le prix et la nature du tabac qu’ils trouveraient en France.

Drôle de préoccupation pensais je, alors que nous partions vers une ville inconnue, où, hormis ma tante, nous ne savions qui ni quoi nous attendait réellement.

23 juillet 2006

MON SOUVENIR D'AÏN-EL-ARBA (11)

Mais, les enfants que nous étions ne s’embarrassaient guère de nostalgies.
Quelquefois, comme sur ce bateau, elles les assaillaient et ils avaient sous les yeux le spectacle d’adultes perdus dans les tristesses qu’ils cachaient habituellement.

La découverte de ces sentiments mêlés m’inquiétait autant qu’elle me ravissait.
Je ne pouvais exprimer une joie intense, parce que j’avais du mal à identifier ce que je ressentais et l’origine de ces contradictions qui bouleversaient tous ces gens autour de moi.

Sur le pont d’un navire au milieu de la Méditerranée, je m’imprégnais de ce que faisaient et disaient ces gens réunis par la volonté du destin.

Mr Cabedo, comme assommé, était assis, son béret vissé sur la tête, le torse penché au dessus de ses genoux. Il marmonnait une prière de mots incompréhensibles mêlant du français de l’arabe et duvalencien.

Son torse agité d’un mouvement régulier, presque imperceptible, scandait cette prière, connue de lui seul, qu’il adressait à Dieu l’implorant au nom de la providence pour tous ceux qui étaient restés derrière lui, les vivants comme les morts.

Derrière lui, mon oncle Joseph et ma tante Marinette, semblaient pétrifiés.

Les yeux fixes, le regard perdu, ils s’étaient progressivement penchés l’un vers l’autre, dans une tentative de soutien mutuel, pour affronter ensemble une épreuve qu’il ne pouvaient imaginer il y a quelques semaines peut être.

La bouche de mon oncle s’était figée dans un sourire triste qui n’allait plus jamais le quitter.
Ce sourire il le prendrait désormais avant d’exprimer des choses que les mots seuls ne pouvaient être suffisant à décrire.

Ma tante, elle, s’était tassée au point de disparaître à l’ombre de son mari dont elle ne parvenait plus à capter les pensées.

Une fois de plus, mon père m’avait impressionné dans cette épreuve, tant la façon dont il la vivait, le différenciait de tous les autres.

Hormis les larmes rentrées que je lui avais vu au départ du navire, son visage exprimait une sérénité qui nous rassurait.
En nous rassemblant autour de lui mon frère et moi, ses mains sur nos épaules, il avait voulu nous transmettre différemment que par de la tristesse affichée, les sentiments forts qui l’agitaient lui aussi.

Près de notre père, nous étions à l’abri, lui d’habitude si avare de sentiments de paroles et de manifestations affectives, il avait su par ce simple geste nous transmettre un peu de sa grandeur et de sa générosité naturelle.

La nuit tombait doucement sur le bateau, bercée par le bruissement de la coque pénétrant régulièrement et inexorablement dans l’eau.

Nous ne dormions pas, fascinés par le spectacle des étoiles dans un ciel perdu en pleine mer.

Il nous fallut pourtant donner son tribut à la nuit. Nous aurions préféré continuer à courir sur le pont entre les familles, monter et descendre puis descendre et monter, inlassablement, de la cale au pont et du pont à la cale.

Organisateur né, mon père avait négocié, comme la plupart des familles, des couchettes dans des cabines occupées alternativement par les marins de quart. Bientôt, nous dûmes, à notre corps défendant, rejoindre ces lieux de repos improvisés.

Les murs métalliques aux rivets saillants, peint d’un jaune crème sale, étaient percés d’un unique hublot trop haut pour que nous puissions goûter au plaisir de la vue sur la mer.

Une chaleur étouffante traversée d’odeurs fortes de mazout, nous saisissait par bouffées régulières.
Pour éviter de subir ces odeurs nous pratiquions des moments d’apnée en essayant de respirer dans les moments d’atmosphère pure.

Deux marins couchaient alternativement dans « notre » cabine, que nous partagions également avec un couple dont le bébé avait pleuré une grande partie de la nuit.

L’un des deux marins, harassé de fatigue, avait hurlé dans un accent que je qualifiais de français :

- Y va la fermer ce môme !

Ces mots nouveaux, même si je les comprenais, avait
heurté ma sensibilité.
Le terme « môme » à la place du « gosse » que nous utilisions plus volontiers, le « y va la fermer » alors que nous disions plutôt « ferme ta bouche » l’accent froid et neutre, tout contribuait à me rendre ce marin particulièrement antipathique.
Au petit matin, sans avoir réellement dormi, nous étions remontés mon frère et moi, retrouver mon père sur le pont.

A notre place habituelle, une main négligemment posée sur bastingage, il fumait paisiblement le regard tourné dans la direction de l’Algérie.

Nous étions maintenant chez nous sur ce navire, livrés à nous mêmes, abandonnés des adultes qui savaient que la mer autour, constituait certes un danger potentiel, mais aussi la meilleure et la plus sûre des surveillances.

Notre repas du soir absorbé, nous courrions à travers les coursives, passant en nous bouchant les narines au travers de la cale pour éviter la forte odeur de vomi, pour rejoindre l’air libre du large.

Le jour, nous regardions inlassablement la mer calme d’un vert profond ne prêtant plus aucune attention aux discours des grands.

La nuit nous scrutions le noir à la recherche d’une quelconque lueur.
Notre attente fut récompensée la deuxième nuit. Notre bateau croisa un autre navire tous feux allumés.

Les lumières estompées dans le lointain soulignaient imparfaitement la masse noire qui se mouvait rapidement sur l’eau.

A quelques encablures, nous imaginions les gestes des occupants préparant leur navire à faire le chemin inverse dès son arrivée dans le port d’Oran rempli de passagers qui vivraient à leur tour la même chose que nous.

Peu de personnes se trouvaient sur le pont cette nuit là. Avec mes cousins et mon frère nous avions assistés à ce spectacle en silence nous regardant furtivement pour savoir si nous avions vu.

Le lendemain nous en parlions avec force détails aux dormeurs qui remontaient sur le pont la tête traversée de leurs rêves de la nuit.

Cette deuxième et dernière nuit marquait le début de l’ultime étape de notre voyage.

Nous étions dans le golfe du Lion, connu pour les vents violents qui y soufflent.
Le bateau avançait péniblement penchant légèrement d’un côté.

21 juillet 2006

MON SOUVENIR D'AÏN-EL-ARBA (10)

C’est à cet instant précis alors que je sentais mon frère absent, comme s’il venait soudain de comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvions, que je vis nous dépasser, une énorme gitane entourée d’une marmaille impressionnante vociférant et hurlant dans des costumes aux couleurs chamarrées.

La gitane elle même coiffée d’un large foulard de soie grège avançait au rythme de son ventre et de ses fesses qui donnait à l’ensemble de son corps un balancement impressionnant.

Tout en haut de cet équipage hallucinant, je compris en voyant la valise à la ménagère sur son épaule gauche, qu’elle essayait de donner le change en fuyant doucement avec notre précieux bien.

La ménagère tanguait dangereusement au dessus de nos têtes et le roulis du corps de la gitane compensait assez harmonieusement les mouvements de la valise qu’elle avait entourée d’un bras énorme pour la dissimuler et l’empêcher de tomber au sol.

La valise volait au dessus de la foule. Je m’en souviens comme d’un point fixe qui s’éloignait de nous et sur lequel je lisais sans peine, malgré mes yeux myopes et mes énormes lunettes, l’étiquette qui portait notre nom NUNEZ en capitales noires tracées méticuleusement avec le Z qui se détachait barré d’une élégante diagonale.

Je me souviens avoir couru vers elle le bras tendu en criant :
Papa ! la ménagère !
laissant sur place mon frère abasourdi et mon père toujours aux aguets qui semblait avoir compris la scène.

Abandonnant son flegme légendaire, et mu par un sentiment de justice, il avait en quelques pas lents mais précis rattrapé l’infortunée gitane qui clamait son innocence face à la colère sourde et contenue de mon père qui récupéra sans ménagements le trésor familial sous les clameurs d’approbation de la foule qui continuait à progresser vers le bateau.

La fureur des voyageurs était à son comble, et je considérais à nouveau la scène de cette multitude dans laquelle chacun cachait ses angoisses et ses peurs en se fondant dans le mouvement inexorable vers le bateau qui devait nous faire traverser la Méditerranée pour nous conduire vers la France.

Le soleil et la lumière du matin avaient pris la violence du zénith et découpaient cruellement les personnages qui nous entouraient.
Je marchais les yeux au ciel essayant vainement de voir, par delà les adultes qui m’entouraient, les quais et la passerelle que nous allions emprunter.

La gitane et sa marmaille avaient disparus, et je cherchais à les retrouver dans la foule pour m’assurer que tout cela avait réellement existé.

Enfin nous étions derrière la bastingage blanc, sur le pont du navire, entourés de la femme seule aux deux enfants, qui, malgré les événements nous suivaient toujours.

L’attente avait succédée à l’excitation du voyage, et je me rappelle qu’à ce moment précis j’étais content d’être là, oubliant un peu ma mère Tcha Tche et Mathilde restés à Aïn-El-Arba.

Les bruits avaient cessé pour moi, près de mon frère Damien toujours absent comme absorbé par le paysage devant nous.

La ville d’Oran, nous apparaissait plus blanche que jamais sous le soleil cru et le ciel bleu violet.

Un mouvement imperceptible anima le bateau et nous éloignait doucement de la rive. A côté de nous des gens pleuraient sans que nous puissions comprendre pourquoi.

Je n’osais pas véritablement pleurer parmi tous ces inconnus qui trouvèrent la force d’entonner le chant des adieux à mesure que, maintenant, le bateau s’éloignait véritablement et que nous percevions la ville au loin, et une foule immense restée à quai.

A la clameur digne et solennelle du chant du bateau répondait une clameur aussi digne et solennelle sur le quai.

Bientôt les chants de ceux du quai s’estompèrent emportés par le bruit de la mer et le glissement majestueux du Ville de Marseille qui prenait son assise sur une Méditerranée impressionnante de stabilité.

Nous étions bel et bien en route, partis, oubliés, seuls sur cette mer qui nous avait procuré tant de joie lorsque nous la côtoyions sur les plages d’Arzew ou de Turgot.

Sur cette mer, nous étions quelque part chez nous, et il me vint à penser qu'elle bordait à la fois l’Algérie et la France comme un trait d’union entre ces deux pays, celui que nous quittions et celui qui allait nous accueillir.

C’est à ce moment que je perçus les larmes rentrés de mon père et celles plus évidentes de mon frère Damien que je regardais avec admiration pour cette émotion qu’il avait du mal à contenir.

Je n’étais qu’un enfant de 9 ans et demi alors qu’à 13 ans, il était lui, déjà endurci par deux années de pension à Oran.

J’eu mal pour lui lorsque mon cousin goguenard, loin de posséder sa maturité, alors qu’ils avaient le même âge lui demanda pourquoi il pleurait.

Rapidement je rassemblais dans ma mémoire les moments, trop courts hélas qui m’avaient rapprochés de ce frère.

J’évoquais sa communion qui nous avait permis, l’année précédente, de nous retrouver tous en famille une dernière fois dans la maison.

L’après midi de ce dimanche nous avions inventé ces dernier jeux au cours desquels Damien m’avait convaincu que chez les cow-boys il y avait des shérifs et des bandits, et que le rôle de cow-boy, ou le rôle du « jeune homme » ce héros attachant des westerns, avait leur contrepartie.

Mon petit cousin Lucien, voulait lui à tout prix être un indien malgré les tentatives désespérées de ses frères pour le raisonner et l’amener à comprendre que quelque part les indiens étaient des sortes de fellaghas, et que vouloir jouer ce rôle n’était peut être pas la meilleure idée.

C’est au cours de ce même après midi que notre cousine Denise avait décidée de s’appeler Mme Renée une honorable commerçante et que Monique, elle, préférait le sobriquet de Sassafinda, une interpellation intraduisible que ma tante Lucia attribuait aux jeunes filles remuantes de la famille.

Ce que nous aimions par dessus tout lors de la préparation de ces jeux, nous les petits, c’est lorsque Damien nous racontait Oran et les clameurs des manifestations de rue que les murs épais du séminaire ne parvenait pas à contenir.

Inlassablement le roulis de la Méditerranée me ramenait vers ces moments dont je mesurais que vu du bateau ils paraissaient lointains parce qu’au fond ils avaient été brefs et trop peu nombreux.