27 février 2006

LE SOUVENIR DES VIVANTS (3)

jamais la survenance et dont j’ignore s’il repose sur une réalité vécue, ou n’est que le résultat construit de l’agrégation de souvenirs relatés par d’autres.
Cette relation avec un personnage disparu avait commencé de me hanter un peu plus tard dans l’âge, lorsque je pris conscience de l’existence de la mort, au travers des manifestations les plus tangibles que les vivants eux mêmes célébraient comme pour s’assurer de la réalité de son existence au sein de la vie elle même.
Parmi ces manifestations, les nombreuses visites au cimetière que rendait nécessaires une vie religieuse intense dans un bourg marqué par des contrastes ethniques forts, avaient constitué l’un des éléments déterminant de ma perception des disparus.
En dehors des inhumations, la communauté catholique du village, à laquelle nous appartenions, organisait régulièrement des processions vers le cimetière, auxquelles assistaient, souvent malgré eux, l’ensemble des habitants.
Dans ces moments, les différents groupes ethniques ou culturels donnaient à leurs relations habituellement caractérisées par une indifférence polie, un tour plus violent, chacun s’ingéniant à marquer sa différence avec celui ou celle qui manifestait son appartenance religieuse.
La communauté espagnole se divisait alors entre catholiques et laïques, les européens fuyaient leurs juifs, les musulmans leurs intégristes, les Français de Métropole les Français qui avaient récemment acquis cette nationalité.
Même si certains n’y voyaient que le jeu légitime des opinions et des oppositions, ces relations complexes allaient s’envenimer jusqu’à la violence lors des conflits qui marquèrent l’accession de l’Algérie à l’indépendance.Ce lieu particulier, le cimetière, à quelques centaines de mètres du village, nous disions toujours le village, était devenu un espace de notre vie d’enfant avec ses caractéristiques propres. Nous en connaissions les coins et les recoins, et aussi les histoires.

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